Bernard Le Courtois, l’interview

 

© Otmar Beyer de Béhaux

 

BLC : Vous êtes venu me voir pourquoi ?

OBdB : Parce que je voulais parler avec vous de l’agrément dans le Holstein. Parce que cet élevage est quand même le plus gros et le plus direct concurrent du Selle Français et possède la même vocation et ce sont aussi les éleveurs Holsteins qui ont le plus de succès avec le sang français.

Des deux ans et demi qu’on a vu, quelles sont vos impressions, des chevaux que nous avons vus ? Comment considérez-vous l’influence du sang français et du Pur-sang Anglais sur les étalons dans le Holstein et l’ensemble de l’élevage ?

BLC : C’est la troisième fois que je viens assister à l’agrément des étalons. Ce que j’aime beaucoup déjà, c’est la présentation, la ligne d’obstacle avec les chevaux présentés en main et lâchés au début de la ligne d’obstacle. A mon avis, c’est la meilleure façon de les présenter.

Mes impressions sont les mêmes que la dernière fois. Maintenant je connais un peu mieux ces chevaux-là et je fais donc mieux la différence. Quand je suis venu la première fois, j’ai trouvé ça extrêmement homogène. Mais l’élevage est toujours très homogène, plus homogène que l’élevage français. Ceci est lié à la consanguinité et l’archétype de chevaux recherchés par les éleveurs alors qu’en France il n’y a pas ce type de cheval de sport, il y a des types de chevaux de sport dus aux différences de croisements. Toutefois le cheval de sport est l’Anglo-Normand. Mais même dans l’AN, il y a des types de chevaux, il y a des gabarits assez différents. Le cheval Holsteiner est peut-être plus homogène, au premier coup d’oeil, dans sa morphologie. Ce qui est déjà surprenant pour les éleveurs français qui vont voir en Allemagne et en Hollande, c’est que les chevaux ont 1 an de moins que les nôtres.

En plus, vu que l’on est assis en hauteur, des tribunes, les chevaux paraissent souvent manquer de taille et assez légers et on est très surpris quand on les voit après dans les boxes qu’il y a des 2 ½ ans qui font déjà 170 cm, et qui ont beaucoup d’os et qui sont déjà très charpenté pour leur âge. Il faut absolument aller les voir aux boxes. Ce n’est pas l’impression qu’ils donnent lors de la présentation.

Ce qui me surprend toujours en regardant les pedigrees, c’est en 4e génération entre 60 et 80% des chevaux ont beaucoup de PS. Et ce sont des chevaux qui ont gardé de la masse malgré la forte influence du PS ce qui est très intéressant. Parce qu'on a tendance, en utilisant des PS, d’alléger considérablement. Maintenant je ne connais pas la jumenterie de base du Holsteiner d’il y a 50 ans. C’est peut-être un jumenterie excessivement lourde, mais parfois l’introduction de PS sur des juments très lourdes ne donnent pas toujours satisfaction parce que ça fait des animaux de corps massif avec des jambes légères. Le PS était très bien intégré dans le Holsteiner.

Le sang français est présent, pas omniprésent, mais assez présent : Cor de la Bryere, Silbersee. Il y a un autre cheval que je ne connaissais pas, il s’appelle Othello. Et nous avons vu quelques poulains dont les mères étaient par Othello ce qui est très intéressant. C’est un frère de Major de la Cour, issu comme lui de Une de la Cour. Major de la Cour est un très bon étalon qui est en Belgique maintenant.

OBdB : Oui, c’est un Quastor par une mère de Debuché. Mais il n’a pas pu influencer fortement l’élevage. Il y a un autre étalon français qui a fonctionné dans Holstein, c’est Urioso.

Urioso n’a pas non plus eu d’influence, mais il a laissé quand même 4 fils. Mais il est arrivé à un moment où la jumenterie du Holstein n’avait pas encore assez de sang. On trouvait donc pas assez de juments dans le sang pour lui. En plus, il est arrivé très peu de temps avant Cor de la Bryere.

BLC : Mais Urioso a fait la monte en France aussi et sans succès.

Le sang français, maintenant on trouve Almé par intermédiaire d’Ahorn et Athlet et Alcatraz.

Cor de la Bryere lui est omniprésent, même plusieurs fois dans les pedigrees. Je trouve très intéressant que Corde ait vraiment trouvé la jumenterie qui lui fallait. Corde en France n’aurait jamais rien donné. C’était un cheval trop léger pour nous, manquant de force dans le dos.

OBdB : Il aurait même été castré !

BLC : Vraisemblablement ! Les expériences que j’ai faites n’étaient pas bonnes. J’ai acheté de la semence congelée de Cor de la Bryere pour 20 juments. Elle était de très mauvaise qualité d’ailleurs puisqu’il n’y avait que 7 juments pleines dont 2 ont avorté. Sont nés 5 poulains, très ordinaires. Vraisemblablement la jumenterie ne lui convenait pas, des juments dans le sang. Alors on peut vraiment dire que Corde a rencontré la jumenterie qui lui fallait.

OBdB : Mais Cor de la Bryere a toujours bien produit que ce soit avec des juments pur Holsteiner ou avec des juments dans le sang !

BLC : Alors vous avez une autre opinion que moi ! Je ne suis pas d’accord du tout avec vous ! Ce cheval n’a bien produit qu’avec des juments fortes.

OBdB : Regardez les Calando ou les Caletto qui sont par des juments de Cottage Son xx ou Corrado.

BLC : Mais Corrado est par une mère par Capitol, donc par un cheval très lourd.

OBdB : Oui, mais avec 2 courants de PS chez les juments.

BLC : Corrado est un gros cheval. Il est plus Capitol que Corde. Il n’y a pas très longtemps, je croyais que ce cheval était un fils de Capitol.

Mais revenons au concours d’agrément.

Quand on regarde les poulains, on n’est pas à la place du jury. On discute avec les voisins, on n’a pas la même attention sur les chevaux et on les regarde différemment. Notamment là ou on est, on ne voit absolument pas les aplombs. Je suppose que c’est la dernière étape et il y avait déjà une sélection préliminaire et les chevaux qui ont des mauvais aplombs, on ne les voit pas ici. On a pourtant vu beaucoup de chevaux avec des mauvais jarrets. Ca, c’est Landgraf.

Dans les chevaux retenus, je pense que par rapport aux besoins, la sélection du jury est différente de celle que nous on peut faire. Certaines origines dont ils ont besoin, ils veulent les tester. Donc certains poulains les intéressent plus aux niveaux origines ou courants de sang. Parmi les chevaux retenus, il y’en avait qui ne nous paraissaient pas intéressant. En revanche il y’en avait pas mal aussi pour lequel on était d’accord.

OBdB : Vous ne trouvez pas que l’on rencontre souvent carrément des consanguinités par exemple sur Cor de la Bryere du genre 3x4x3 ?

BLC : Il y a des choses qui nous paraissent inconcevable à nous Français par exemple des croisements de Lord avec des filles de Landgraf ou un fils de Corde sur une mère par un fils de Corde. C’est vrai que l’on trouve souvent ce genre de choses. Je pense que c’est une volonté, il ne peut en être autrement.

OBdB : Je ne pense pas que c’est une volonté. Mais le stud-book se refuse à interdire ou à favoriser des croisements. Si vous voulez faire saillir une jument pas son propre père, si vous croyez que cela vaut le coup, vous le faites. C’est la position officielle. Ce n’est donc pas du tout comme en France ou les consanguinités jusqu’en troisième génération sont interdites.

BLC : En France vous n’avez pas le droit de faire saillir une jument par son propre père, c’est tout.

OBdB : Le stud-book, je ne sais plus qui c’était, Guibert ou Pichon, m’a dit que les consanguinités jusqu’en 3e génération sont interdites. Or, vu que c’est à l’étalonnier de contrôler et si lui, il ne le relève pas ...

BLC : En France les gens font de la consanguinité sans s’en rendre compte. Je ne pense pas qu’il y a beaucoup d’éleveurs Holsteiner qui dessine le pedigree avant de faire naître un poulain. J’en connais très peu qui le font. C’est moi qui le signale souvent aux éleveurs. Aujourd’hui, nous, nous avons le même phénomène avec Ibrahim à une échelle beaucoup moins grande, mais souvent on voit naître des poulains qui ont Ibrahim 4 ou 5 fois à moins de 5 générations. Et les gens ne se rendent pas compte de ça. Il suffit que la grand-mère soit par Ibrahim. Alors un cheval comme Paladin des Ifs, pour beaucoup de gens il n’a pas de sang d’Ibrahim dans les veines alors que sa grand mère est par Ibrahim. Les gens n’y pensent pas. La France est un des seuls cas où les gens font de la consanguinité sans s’en rendre compte. Je pense que si les éleveurs du Holstein n’étaient pas partie dans la consanguinité ils se seraient arrangés pour apporter davantage de sang extérieur. Parce que c’est le seul stud-book européen où la consanguinité est importante à ce point. On ne peut pas considérer que c’est fait inconsciemment, je pense que c’est fait complètement délibérément. C’est vraisemblablement une volonté de travailler en consanguinité.

OBdB : Et vous trouvez ça dangereux ?

BLC : Non, pas dangereux, c’est la preuve que visiblement ça marche ! Mais il faut en sortir. La réussite de la consanguinité, c’est justement de savoir en sortir.

OBdB : C’est peut-être pour ça qu’il y a 24 PS qui travaille dans le Holstein ?

BLC : Le problème du PS est un autre problème. C’est le même que rencontre tous les stud-books d’Europe à savoir quel type de PS utiliser. Moi, j’ai une idée précise. C’est que pour moi ... un cheval qui a des gains en courses, puisqu’en fait les Allemands quand ils achètent des étalons PS ils en achètent que s’ils ont un certain handicap.

OBdB : Oui, c’est l’état qui les obligent.

BLC : Pour moi, ce n’est pas une hérésie, mais ce n’est pas fondamental. Ce qui est important dans le PS de croisement c’est ses points de force, son type et son aptitude. Et son aptitude c’est de faire de chevaux qui concourent. Donc un cheval qu’il ait couru en plat, en steeple ou en haies, à la limite on s’en fiche, ça peut prouver qu’il a de la tenue, qu’il est un cheval de longue distance, si c’est un sprinter c’est un cheval qui a beaucoup d’arriere-main, une tonicité musculaire et respiratoire, et un coeur assez résistant. Si c’est un cheval de haies ça ne veut strictement rien dire puisqu’il brosse et ne saute pas pour autant, un cheval de steeple à la limite mais tous ça, pour moi, ça n’a pas beaucoup d’importance, un cheval qui n’a pas couru du tout est vraisemblablement aussi bon. Le test qui est important c’est de le mettre dans un manège en liberté et de mettre un double oxer ou un droit et un oxer et de voir comment il s’y prend. Un cheval qui sautent comme un cheval de concours produira probablement très bien. Un cheval qui est incapable de sauter un croisillon, même s’il est gagnant classique en plat, il a assez peu de chance de bien produire. Alors il y a des gens qui diront que Furioso n’a jamais sauté. Mais on n’en sait rien, il n’a jamais été essayé au saut. C’est une hérésie de dire les PS, on ne doit pas les tester, à ce moment les chevaux de selle, on ne doit pas les tester non plus. Si on considère que l’aptitude n’est pas héréditaire, il faut surtout arrêter de faire de la sélection. Moi, j’ai toujours été partisan d’utiliser le PS qui a l’aptitude à laquelle on destine sa production. Pour moi, cela me paraît évident. On ne va pas utiliser un PS qui court 4000 M pour faire des sprinter. Alors, je ne vois pas pourquoi nous, on utiliserait des chevaux qui ont des performances dans une discipline qui n’est pas celle à laquelle on destine les produits. Pour moi, c’est le B à BA. Et en France comme ailleurs, personne ne l’a compris, on continue d’utiliser des PS dont on ne sait rien. Et après les gens disent que ces étalons reproduisent mal. Ils reproduisent mal parce qu’ils sont mal sélectionnés, simplement. Je pense que c’est le même cas en Allemagne, en Holstein ou ailleurs. Les PS sont très beaux, mais on ne sait rien d’eux et on sait comment ils vont produire 15 ans après. Donc en France c’est pour ça qu’il y a beaucoup d’éleveurs qui ne veulent plus utiliser les PS parce que c’est un peu la bouteille à l’encre. Ils ne savent pas où ils mettent les pieds, ils veulent bien utiliser un PS mais une fois quand il aura fait ses preuves. Ca, c’est le court terme, la notion commerciale. Un PS peut très bien mal ou bien produire, s’il produit mal ceux qui l’ont utilisé payent les pots cassés immédiatement, s’il produit bien ils auront les bénéfices, un petit peu à retardement en général parce que les poulains se vendent bien une fois le cheval connu. Et ça, c’est vrai dans tous les pays. En France et je pense que c’est la même chose en Allemagne, il y a des PS qui n’ont pas eu une production sportive remarquable et qui en père de mère s’avèrent être des chevaux relativement intéressants. Et ça, c’est en général lié à la génétique des juments. Un PS même si c’est un beau cheval qui fait du modèle même s’il n’a pas produit génétiquement des chevaux très intéressants au niveau sportif s’il a sailli des juments intéressantes, ça ressort la génération suivante.

Donc moi, dans ma sélection PS, j’ai toujours essayé soit d’utiliser des chevaux qui ont des performances en saut d’obstacle (Laudanum, Hand In Glove) soit des chevaux dont on sait que la production saute (Rubloff). Je crois que c’est une notion importante.

OBdB : Croyez-vous que c’est significatif que Rubloff soit un demi-frère de Count Ivor par le père et que l’appartenance à la même famille qu’elle soit maternelle ou paternelle a une influence ?

BLC : Je pense qu’il n’y a pas de raison. Je ne vois pas pourquoi cette aptitude ne serait pas héréditaire chez les chevaux, chez les PS, alors que l’on le considère depuis un demi-siècle chez le DS.

Il y a un point commun aujourd’hui entre les meilleurs PS travaillant en France. Lou Piguet est mort l’an dernier. Lou Piguet c’est un cheval qui sautait très bien en liberté (mais qui n’avait pas de coeur en courses) et qui a l’air de faire des chevaux qui ont de l’aptitude. C’est une notion intéressante.

OBdB : J’ai soulevé le même point pour un étalon français dans le Holstein que les Holsteiner ont acheté sans l’avoir testé ce qui est leur problème, c’est Galant Vert. (...)

BLC : Un PS qui sort de courses, ça demande un minimum d’entraînement etc, il faut lui apprendre. Il y a des chevaux qui sautent naturellement, il y’en a d’autres qui sont fabriqués.

Pour revenir sur des questions d’origines. C’est lié au hasard, mais ce que j’avais constaté que des chevaux à la mode il y avait Hand In Glove, Rubloff qui a un circuit un peu particulier, Lou Piguet et Count Ivor. Ces quatre chevaux ont le même grand-père, Turn To. Je pense que c’est significatif. C’est lié au hasard. Je ne suis pas allé au EU acheter Hand In Glove en me disant je l’achète parce qu’il a le même grand-père que Count Ivor. C’est le hasard qui fait que les 4 chevaux qui travaillent bien en France l’année dernière, soient petits-fils de Turn To. Je pense que cette notion d’origines est intéressante.

OBdB : Plus on va dans les générations derrières plus l’influence s’affaiblie. Est-ce que vous seriez partant de dire que Turn To est fils de Royal Charger qui est un ¾ de frère de Nasrullah donc que Nasrullah ne transmet pas trop mal une aptitude ?

BLC : Il s’avère que ces quatre étalons descendent de Nearco, de dire que toute la descendance de Nearco sautent c’est aller vite un peu en besogne puisqu’il a une descendance extrêmement nombreuse.

Je pense que c’est qui est important c’est aussi l’appartenance à une famille. Je suis de plus en plus convaincu de la transmissibilité de l’aptitude par les mères. Peut-être même plus que par les pères. Il y a une chose qui est incroyable et je viens encore de le constater : vous prenez un étalon français qui n’a pas forcement d’aptitude concernant sa locomotion. Vous croisez avec des juments germaniques qui elles ont été sélectionnées sur la locomotion. Vous avez une grande chance que la production de ces juments avec l’étalon français bouge bien. C’est ce que l’on constate dans tous les stud-books allemands. De manière générale ils choisissent déjà des étalons qui ont une bonne locomotion mais pas de locomotion aussi forte que celle des Allemands. Et on s’aperçoit que les poulains trottent comme des chevaux germaniques. Ca veut dire quoi ? Ca veut dire que c’est la mère qui donnent sa locomotion pas le père. Si vous faites le croisement inverse, et c’est là où je pense que la France fait erreur avec le label plus dressage. On sélectionne des juments sur des points de modèle dans les concours primés et on leur donne le label dressage ca ne veut strictement rien dire. Pour la plupart des jurys de concours de modèle, l’allure n’est pas prise en compte, tout au moins pas l’allure de dressage. Donc ces juments-là, on les croise avec des chevaux allemands, type Donnerhall, Renoir etc. des chevaux de dressage. Et on fait des chevaux qui n’ont pas grande chose avoir avec des chevaux de dressage. Ce qui veut dire quoi ? C’est qui veut dire que Donnerhall, tout crack qu’il est en dressage et tout père de crack de dressage en Allemagne avec une jument qui est allemande ne fait pas de crack de dressage en France. Parce que la jumenterie n’est pas adaptée. Je pense que la locomotion, les aptitudes c’est la mère qui les amènent beaucoup plus que les pères. Pour la locomotion c’est flagrant. Moi, j’ai une jument ici qui vient de chez Melchior, c’est une Almé-Gotthard, je l’ai croisée trois fois avec Laudanum qui est un cheval qui lègue une aptitude à l’obstacle, un courage, un respect des barres extraordinaire, mais il y a deux choses qu’il ne lègue pas c’est la force et la locomotion. Laudanum, il ne trotte pas. Et mes trois Laudanum trottent comme des chevaux allemands parce que c’est la mère qui a amené cela. La mère a amené c’est qui manque à Laudanum : la force et la locomotion. Pour moi, c’est un croisement parfait, parfait non, mais réussi. On va le voir, on commence d’utiliser des chevaux allemands. Prenons l’exemple de Voltaire. Moi, j’utilise Voltaire. J’aime beaucoup parce que c’est un cheval assez polyvalent avec une aptitude intéressante et une origine intéressante. Je n’ai pas remarqué que Voltaire améliorait considérablement la locomotion des chevaux français. Quand les juments n’ont pas de locomotion, les poulains de Voltaire n’en ont pas non plus et pourtant Voltaire bouge très bien. Ca corrobore ce que je viens de vous dire. Je pense que Voltaire sur une jument, fille de Ramiro va faire un cheval qui bouge et Voltaire sur une fille d’Uriel va faire un cheval qui ne bouge pas qui aura de l’aptitude mais qui ne sera pas un cheval d’allures. Donc je pense que l’influence de la mère sur un plan génétique on dit 50 : 50 mais je pense que c’est plus que cela. En faisant abstraction du phénomène d’élevage etc et du caractère. Je pense que la mère à une influence sur l’aptitude beaucoup plus important que l’on imagine, et j’en suis de plus en plus convaincu.

OBdB : Aussi bien sur le plan psychique que physique ?

BLC : Vraisemblablement c’est lié. Quand vous avez une jument délicate qui manque d’équilibre, vous choisissez un étalon qui va être facile avec beaucoup d’équilibre. Je vois en ce moment mon nouvel étalon de tête qui s’appelle Alligator Fontaine. C’est un cheval qui a un équilibre extraordinaire. L’année prochaine il va saillir toutes les grandes championnes françaises qui avaient mauvais équilibre et mauvaise bouche c’est-à-dire La Belletière, Punition, Quastourelle. Ces juments-là qui ont une aptitude exceptionnelle, mais difficile et ont mauvais équilibre elles vont être saillies par lui, ce cheval il a une aptitude remarquable. Donc quand on fait de l’élevage, on cherche toujours à compenser le manque. Je crois que la notion maternelle est une notion importante, la preuve, regardez Cor de la Bryere dans le Holstein ce qu’il a produit, il n’aurait jamais fait le quart avec une jumenterie française. Quidam et I Love You devraient bien produire avec la jumenterie Holstein. Pour l’instant I Love You a l’air de produire bien, sa production commence à très bien sortir. Quidam c’est un petit peu plus lent, mais les meilleurs produits d’I Love You ont été exporté et ont, de plus, un an de moins que les produits les plus âgés de Quidam (5 ans - 6 ans).

OBdB : Dans le Holstein ?

BLC : Non, en France. Dans le Holstein, les poulains sont de cette année.

OBdB : Oui, Quidam, c’est très bien, I Love You il y’en a très peu !

BLC : Ils ont de problèmes avec la semence.

OBdB : J’avais entendu quelque chose comme ça !

BLC : Je ne sais pas pourquoi d’ailleurs puisque nous en exportons dans le monde entier et on n’a pas de problèmes et dans le Holstein cela ne se passe pas très bien. S’ils arrivent à s’en sortir avec la semence de Quidam, car il n’est pas facile non plus ... ils devraient faire pareil.

OBdB : Pour reparler des PS. Vous connaissez les PS qui travaillent dans le Holstein ?

BLC : Il y en a un que je ne connaissais pas et que j’ai découvert là et je me suis intéressé à son cas pour savoir ce que c’était que ce cheval parce que j’ai vu deux, trois poulains qui me plaisaient bien de lui, c’est Sir Shostakovich.

OBdB : Sir Shostakovich c’est un modèle comme Hand In Glove, un bai foncé avec une tête particulière que tout le monde n’aiment pas parce qu’elle est trop longue, liste en tête, 172 cm au garrot qui travaille aussi dans le Trakehner. C’est lui qui fait sauter les Trakehner en ce moment. C’est par Rheingold et Sinful par Grey Sovereign. Plus intéressant est peut-être que c’est la même lignée maternelle que Nearctic. La deuxième mère de Nearctic est la 5e mère de Sir Shostakovich ou quelque chose comme ça. Et c’est la première génération de poulains que l’on a vue là à l’agrément.

BLC : Nous, il y en avait un que l’on aimait beaucoup, c’était le dernier cheval du catalogue, le N° 89. Ca c’est un cheval que l’on aurait bien acheté. Il marche bien, c’est un bon modèle, c’est très bien, il est fort et a de beaux rayons.

OBdB : Et qu’est-ce que vous pensez du deuxième qui a été agréé, Staufenberg ?

BLC : Celui-là ne me plaisait pas. C’est un cheval fort avec de l’étendu qui saute correctement sans plus, il a un très mauvais dos. C’est un problème en France avec les chevaux Holstein. Certaines origines ont le dos très mou. Nous, on aime les dos très forts. Je pense à ce niveau-là que Quidam et I Love You vont nettement améliorer ces juments qui ont le dos mou, car Quidam et I Love You ont tendance à faire des dos très tendus et eux-mêmes ont des dos très tendus. Et celui-là fait partie de ceux que je n’aime pas parce qu’il a le dos mou. Je préférais de loin le gris.

OBdB : Et Saldato c’est le premier Sir Shostakovich. Je pense que son origine maternelle est extrêmement intéressante parce que c’est sur trois générations la même origine que la mère de Landgraf Pur-sang sur trois étalons (Aldato-Fangball-Loretto) comme Landgraf. Mais ce n’est pas la même lignée maternelle.

BLC : Vous pouvez très bien prendre deux juments les mettre Jalisco-Uriel-Rantzau si c’est une famille ordinaire vous auriez un cheval ordinaire, si c’est une famille remarquable vous auriez un cheval remarquable. C’est pour ça que je n’aime pas, quand on regarde des catalogues de vente hanovriens, ils vous mettent en caractères gras le père, le grand-père maternel et l’arrière-grand-père maternel, comme s’il n’y avait que ça d’important. Et c’est cela que je reproche.

OBdB : Dans le Holstein ils ajoutent les numéros des lignées maternelles ce qui n’existe pas dans le Hanovrien.

BLC : Le problème c’est quoi ? Pour nous, Français, quand on va dans le Holstein, on est complètement désorienté car le numéro de famille ne nous dit strictement rien et on a aucune information sur la lignée maternelle. Or vous allez à St Lô, au concours des étalons, vous avez une page par cheval et vous avez la production de la mère et la production de la grand-mère et la production de l’arrière-grand-mère. Vous savez exactement ce que ces juments-là ont produit, quelles sont les familles intéressantes et quelles sont les familles non-intéressantes. Donc nous, on ne cache rien. Ce n’est pas que l’on vous cache tous, on ne vous dit rien, on pèche par omission. Cette année j’étais avec des éleveurs, on aurait volontiers acheté un poulain, bon c’est un peu prématuré dans la structure française actuelle, mais je pense qu’il vaudrait aussi mieux acheter quelques foals, les élever, voir comment la France va évoluer dans trois, quatre ans et on le fera peut-être. Mais on demandera que l’on nous fournisse toutes les informations généalogiques sur les lignées maternelles. Je pense que les jurys sont à même de connaître ça, mais je ne pense pas que le publique est à même de connaître toutes les souches.

OBdB : Juste pour reparler de Saldato, c’est la même lignée maternelle que l’étalon Calato qui produit pas mal. La mère de Saldato a produit plusieurs chevaux de classe S en Allemagne c’est-à-dire au niveau A en France. Là, en occurrence, la mère appartient à Nissen, le directeur du stud-book qui a toujours assez favorisé les PS et qui aime beaucoup Sir Shostakovich.

BLC : Moi, parmi les chevaux que j’ai bien aimé, il y a le N° 72, Lambris, un Lord par une mère de Silvester, c’est un cheval chic, avec du type, qui saute bien. Un autre Lord, Lordano, un cheval qui a du type et qui saute correctement que je n’avais pas retenu personnellement. Et un cheval qui n’a pas été retenu, Lord Calypso II.

OBdB : Parce que son frère travaille déjà.

BLC : Il n’a pas une jolie tête, il saute bien, c’est un cheval fort qui n’a pas beaucoup de geste devant mais qui montre très fort le garrot. Je pense que ça aurait fait un très bon cheval de sport.

OBdB : Comme j’ai déjà dit son frère travaille déjà et je pense qu’ils reviennent un petit peu de donner l’agrément à la monte à deux vrais frères. Comme c’était le cas pour les Calando, Caletto et autres Calypso et Calvados et Cabinett. Il y en a à profusion dans le Holstein.

BLC : Eux, ils ont très bien jugé un cheval qui s’appelle Lortino qu’ils ont mis 2e du championnat. Moi, je ne l’avais pas retenu. Je l’avais mis dans les chevaux bien mais pas parmi mes préférés. J’avais noté qu’il avait beaucoup de type, beaucoup d’allures, très réactif, assez moyen à l’obstacle. Pas de force.

OBdB : Les fils de Lord sont matures très tard.

BLC : Un cheval que j’aimais beaucoup c’est Lentigo, le N° 61, qu’ils ont agréé. Du blanc en tête, beaucoup d’étendu, qui galopait très bien, un magnifique galop, très réactif sur les barres qui sautait bien. Il pourrait mieux finir ses sauts, mais ce sont des 2 1/2 ans. C’est un bon cheval. J’aimais beaucoup aussi le N° 60, Lorvado. C’est un cheval un petit peu terne dans le modèle mais avec beaucoup de force dans le dos et qui sautait très bien. C’est deux fils de Locato. Il y a un autre fils de Locato que j’aimais bien, c’est Lugato, N° 58, un cheval qui est très chic, qui saute très bien, mais ce qui est paradoxal c’est qu’il a le dos très mou. Mais il s’en sert très bien à l’obstacle. Quelquefois la morphologie est particulière. C’est aussi un fils de Locato, un cheval que je ne connais pas.

OBdB : Locato c’est par Lord - Cor de la Bryere - Marlon.

BLC : Locato c’est un cheval dont j’ai bien aimé les poulains. Il y en a un que j’aime bien qui n‘a pas été retenu, Lorgus N° 50, cheval bai foncé, de l’étendu, très racé, très chic qui saute très bien. Fils de Landgraf avec une mère Othello. C’est un cheval qui m’a beaucoup plus. Autrement il y a Libertino, N° 44, cheval rappelé pour le championnat. Un cheval très près du sang, beaucoup de type, très étendu, très chic qui saute très bien, un fils de Landgraf également. Libero II c’est une catastrophe. Le frère de Libero I.

OBdB : Il n’a pas été agréé d’ailleurs.

BLC : A l’obstacle, c’est catastrophique. Je pense de toute manière que Libero est un cheval qui a appris son métier au fil des ans.

Un cheval qui a très bien sauté c’est Livingstone, N° 41. Fils de Landgraf également. Un cheval que j’ai bien aimé, c’est Coradus un fils de Corrado qui trotte très bien, étendu, chic, très régulier. Je pense que c’est un très bon poulain. Il a été retenu d’ailleurs. J’ai bien aimé le 32, Coventry qui n’est pas retenu. Un cheval qui a un dos très fort, très régulier, très harmonieux qui saute très bien, fils de Coriander. J’ai beaucoup aimé le 30, Calambo, un cheval qui a beaucoup de dos, très athlétique, qui saute très bien. C’est un beau cheval, fils de Coriander également. Par contre je suis sur que c’est un cheval qui a des problèmes de caractère, à mon avis c’est à voir au test des 100 jours. Je n’ai pas beaucoup aimé - n’ai pas été enthousiasmé par Corrado II. Je pense que cela pourra faire un bon cheval de concours. Je ne pense pas qu’il a tout à fait le phénotype pour faire un étalon. Il ne trotte pas du tout. Il est chic, sans trop de force. Il saute pas mal. Un joli petit cheval. J’ai bien aimé Camiros. C’est un cheval qui saute avec du style et de la force qui est très souple. Je pense que c’est un beau cheval, fils de Contender.

OBdB : C’est qui est intéressant que sa mère est aussi celle de Corofino.

BLC : Je n’ai pas donné de note aux chevaux avant le N° 20, puisque je ne les ai pas vus. Mais il n’y a que très peu d’agréer.

OBdB : Il y a Codex et Caretano.

Mais vous, comment jugez vous l’influence du cheval français dans le Holstein ? Est-ce qu’ils ont encore besoin du sang français ou est-ce qu’il vaut mieux prendre du PS, du AA ou carrément de l’Arabe.

BLC : L’Arabe, c’est faire machine arrière. Pour moi, c’est une aberration d’utiliser l’Arabe aujourd’hui en tant que cheval de croisement. L’Arabe a une morphologie particulière... Le seul Arabe qui puisse à la limite et encore par le biais de l’AA être utilisé c’est l’Arabe de course qui a au moins une aptitude. Mais l’Arabe de show c’est un danger public (en croisement). C’est un magnifique petit cheval, merveilleux, mais en race pure. Il ne faut pas l’utiliser en croisement. Les AA que fabriquent les Anglais ou les Suédois avec les Arabes de show, cela ne ressemble à rien en sport. Donc utiliser l’Arabe en croisement c’est faire machine arrière comme quand on a croisé les juments de trait il y a 200 ans pour créer la race Percheronne. On n’en est pas là. Aujourd’hui, l’intérêt c’est de croiser avec des PS à condition qu’ils aient montré leur aptitude pour les disciplines de sport équestre. L’avantage de Sir Shostakovich est qu’il a déjà une production confirmée à l’extérieur donc on ne prend pas de risques en prenant un cheval comme ça, alors que l’on prend des risques en utilisant les autres. Et oui, je pense que le Holstein pourrait davantage utiliser des courants français pour sortir de ces problèmes de consanguinité. Parce qu’en utilisant des chevaux français qui ont prouvé leur aptitude et qui sont de lignée intéressante, ils ne prennent aucun risque, ou au moins limitent les risques. Alors en utilisant des PS mal sélectionnés, ils peuvent créer des générations de chevaux ordinaires. En utilisant des chevaux français le courant collera ou ne collera pas, mais en tout cas on ne dénaturera pas une souche en utilisant des chevaux français. Les chevaux français ont par nature un bon équilibre, beaucoup d’aptitudes, donc ils ne prennent pas beaucoup de risques. Ca colle ou ca ne colle pas, mais ça ce sont des lois de la génétique, mais ils prennent beaucoup moins de risques qu’en utilisant certains PS. Utiliser des AA ... pourquoi pas. Personnellement je n’utilise pas d’étalons AA avec des juments SF, je fais l’inverse. J’utilise des juments AA avec des étalons SF.

OBdB : Merci de m'avoir reçu.